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Auteur/autrice : Thomas GUE

Que pensent les catholiques de l’homélie ?

2021, j’ai la trentaine, j’aime l’éloquence et j’ai et toujours la même question qui me taraude. Je me suis dit avec mon ami Alban que tout de même, il fallait en avoir le cœur net : que pensent mes compatriotes catholiques des homélies qu’ils entendent tous les dimanches avec plus ou moins d’entrain ?

Tout le monde en parle

un prêtre en chasuble rouge prêche les bras écartés, dos à une croix, dans un bâtiment.

À la sortie de la messe, on entend très souvent sur le parvis dire que les prêches traînent en longueur, que les prêtres manquent de clarté et qu’il leur arrive d’être infantilisants quand ce n’est pas au contraire trop intellectuels et abscons. A force de ressasser un sujet, on risque de s’aigrir, non ? Alors il fallait agir !

Le moins qu’on en puisse dire, c’est que ce sujet intéresse les catholiques. En deux semaines, pas moins de 10 309 personnes ont donné leur avis. Pour u dans le questionnaire que nous avions lancé en ligne : un vrai raz-de-marée ! Et les résultats sont là : à peine un paroissien sur dix garde une idée de la structure de l’homélie et en a mémorisé quelques passages importants !

Grandes attentes, grandes déception ?

Pourtant, tout comme vous et moi, la majorité des fidèles attend que l’homélie les aide. Aimer Dieu, mieux connaître l’Évangile, surmonter les difficultés de la vie chrétienne, recevoir un éclairage moral sur les grands débats qui traversent la société: voilà leur utilité!
D’ailleurs, 72% des répondants de tous âges pensent que les homélies sont utiles pour approfondir leur foi, et 70% d’entre eux sont même prêts à financer les formations oratoires dont les prêtres et les séminaristes manquent cruellement.

Hélas, si on regarde du côté des non-pratiquants 70 % d’entre eux pensent que « l’homélie ne les fait pas revenir à la messe ». C’est logique quand on sait que 90 % des fidèles disent que les prêches manquent de clarté et sont trop longs.

Enfin 79 % des répondants estiment que leur capacité de concentration est inférieure à huit minutes. Donc, si les prêtres dépassent cette limite, ils perdent le lien avec pratiquement toute l’assemblée !

C’est bien de le savoir, mais et maintenant ?

un prêtre catholique debout au premier plan, lit une lecture dans la Bible à une assemblée de dos, assise. La scène semble se dérouler sous un couvert, à l'extérieur. Il fait beau.

Autant vous dire qu’après cette enquête, nous étions fixés sur l’urgence de proposer des formations oratoires de qualité aux prêtres et aux séminaristes ! Maintenant que nous mesurons le besoin, il ne manque plus que de passer à l’action!

Ce moi-ci, c’est le premier anniversaire de notre association Parole d’Homme. Elle a des objectifs bien précis. Elle est ambitieuse. Rendez-vous dans dix ans pour un nouveau sondage pour voir si les choses ont changé !

 

 

 

 

 

 

 

Saint Jean Chrysostome : le ténor de Constantinople

Cocktail explosif

Associez l’éloquence des orateurs antiques à la puissance de la Parole de Dieu, et vous voici face à Saint Jean Chrysostome ! Un des géants de l’Église primitive, qui maniait les mots avec une aisance remarquable à l’écrit comme à l’oral. Outre son héritage spirituel,  les nombreux d’écrits qui nous sont parvenus de lui (dont des centaines d’homélies !)  sont une source des plus édifiantes pour qui se prépare à parler ou se destine à la prédication.

D’un cru antique

Né à Antioche au milieu du IVème siècle, Jean est élevé par sa mère dans l’une des plus grandes villes de l’Empire. Brillant élève issu d’une classe aisée, Jean vit, selon ce qu’il en dit dans ses sermons, une jeunesse assez dissolue. Homme de droit, ses succès au tribunal et sa vie insouciante à courir les théâtres ne le satisfont pas. Il change progressivement de vie, se tournant vers la foi chrétienne en fréquentant l’évêque d’Antioche, Saint Mélèce.

Un long cheminement spirituel le conduit d’une vie simple au monastère, du monastère au désert, du désert au sacerdoce en 386, puis à l’archiépiscopat de Constantinople suite à la mort de son prédécesseur Saint Nectaire, en 397. Ses prises de positions sociales et ses enseignements tranchants lui valurent l’inimité de bien des grands, et notamment de l’Empereur Arcadius et de sa femme Eudoxie, qui l’avaient nommé patriarche de leur capitale. Au sein de l’Église, plusieurs évêques s’opposèrent également à lui. Tout ceci mena à son exil de Constantinople, malgré le soutien du pape Innocent Ier.
Sa renommée grandissant en dépit ou grâce à son exil, des foules se déplaçaient pour aller le voir. L’Empereur l’exila encore plus loin, aux confins de l’Empire, où il mourut en 407 au bord de la Mer Noire.

De saveur intemporelle

Reconnu docteur de l’Église au concile de Chalcédoine, en 451, Saint Jean Chrysostome est une figure d’importance pour l’ Église orthodoxe comme catholique. Ses écrits font toujours l’objet d’étude; et la liturgie qu’il a contribué à raffiner et qui porte son nom est toujours d’actualité dans les messes de rite byzantin.

Effet garanti

Jean “Bouche d’Or” prononçait des sermons percutants, au milieu de fidèles enthousiastes massés autour de lui. Il semble qu’il avait peu d’égard pour l’orgueil de ses auditeurs : il privilégiait sans peine l’annonce de l’Évangile et les vives exhortations à changer de vie aux prises de parole que nous pourrions juger plus « diplomatiques ».
Car Saint Jean Chrysostome donne une puissance extraordinaire à la parole prononcée par le prêtre dans la prédication :

Après le bon exemple, le ministère sacerdotal ne connaît pas d’autre méthode, pour guérir, que la prédication. La parole seule lui tient lieu d’instrument, d’aliment, d’air salubre. La parole est le remède qu’il administre, la parole est le feu dont il se sert pour brûler, la parole est le fer avec lequel il tranche : il n’en a pas d’autre à sa disposition; la parole est-elle impuissante, le prêtre est à bout de moyensPar la parole nous relevons l’âme abattue, nous ramenons à son état naturel celle qui est travaillée de l’enflure, nous retranchons les superfluités; nous remplissons les manques; en un mot, c’est par elle que nous faisons toutes les opérations qui peuvent être utiles à la santé de l’âme.”  (Traité sur le sacerdoce, IV, 3)

Voilà comment, du fond des siècles, Saint Jean Chrysostome dresse un incroyable portrait de l’orateur et du prédicateur : un véritable médecin capable de restaurer la santé des âmes !

Mais ne faut-il pas de longues années pour apprendre la médecine ? Alors ne perdons pas de temps à bricoler avec des bistouris émoussés et des pommades inefficaces : formons-nous !

L’ « Orateur » de l’Antiquité

La tradition le retiendra comme le plus grand des orateurs attiques, ces grecs dont la voix faisait frémir les peuples et infléchir la politique des cités antiques.

Né à Athènes en 384 av. J.-C., mort à Calaurie en 322 av. J.-C., il a été l’un des hommes d’État le plus influent d’Athènes. C’était un partisan convaincu de l’indépendance et du renouveau de la cité d’Athéna face aux deux géants dominant le nord et l’est du monde grec : la Macédoine de Philippe II  et la Perse d’Artaxerxès III.
Incroyable vie et fertile postérité, n’est-ce pas ? Et pourtant Démosthène n’était pas vraiment bien parti.

Le vilain petit canard

Fils de citoyen, il est orphelin de père dès ses sept ans. Les tuteurs de Démosthène, des cousins et un oncle, profitent largement des biens du jeune garçon décrit comme malingre, faible de souffle et affecté de multiples défauts de prononciation. Pas génial pour un orateur en herbe ! Si à vingt ans, il gagne le procès qu’il intente à ses tuteurs un peu trop gourmands, ses premières allocutions publiques sont marquées par les huées et les rires tant il paraît maladroit.

Une vocation, ça se travaille

En entendant à 15 ans un plaidoyer au tribunal, Démosthène est convaincu de la puissance de la parole. Il se forme pour devenir logographe, écrivain de discours. Un bon choix de carrière dans une Cité où la vie politique et judiciaire repose essentiellement sur la parole.

Les écrivains antiques sont friands d’anecdotes. Les biographies de Démosthène en regorgent. Ainsi il aurait été un véritable athlète de la parole, s’entrainant jour et nuit.
On peut lire qu’il corrigeait ses défauts d’élocution en parlant avec des cailloux dans la bouche, qu’il renforçait sa voix en déclamant en bord de mer ou en gravissant des côtes, qu’il s’entraînait devant un grand miroir ou sous une épée pendue au plafond pour éradiquer ses mauvaises habitudes gestuelles, qu’il travaillait ses discours beaucoup plus minutieusement que ses contemporains, ce jusqu’à ses cinquante ans.

C’est toujours autour des grands hommes que naissent les imaginaires les plus divers. Authentiques ou non, ces anecdotes montrent à quel point la figure de Démosthène a marqué ses contemporains et ses héritiers.

Bête de scène, requin politique 

Dans l’Athènes antique, si l’on parle bien, on a le pouvoir ! Démosthène s’impose par son éloquence à partir de ses trente ans. Ses nombreux discours qui nous parviennent écrits témoignent d’un style travaillé et très vivant.

Intégralement au service de la politique et des causes judiciaires, les discours de Démosthène sont profondément partisans. Ses discours les plus fameux, les Philippiques, ont surtout transmis de lui l’image du partisan acharné de l’indépendance d’une démocratie athénienne à bout de souffle face aux appétits de Philippe II de Macédoine.

Échec d’une cause, succès d’une voix

Ses exhortations et son influence n’empêchent pas la mort de la Grèce des cités à la bataille de Chéronée, en -338. Ce qui naît pourtant à sa mort en exil à Calaurie, en -322, c’est une figure intemporelle d’engagement, de talent et de fougue oratoire, reprise en de multiples occasions pour servir des causes diverses (la IIIème République, la Résistance, le gaullisme…). A travers les siècles, la voix de Démosthène résonne toujours.

Intéressés ? Voilà des sources !

Vie de Démosthène selon Plutarque, trad. RICARD, Lefèvre & Charpentier, Paris, 1844 (site de Philippe Remacle): https://remacle.org/bloodwolf/historiens/Plutarque/viedixorat.htm

Œuvres de Démosthène (site de Philippe Remacle) : https://remacle.org/bloodwolf/orateurs/demosthene/table.htm

Interprétation de la vie de Démosthène selon ses handicaps : GARDOU Charles, “Démosthène, de l’enfant bègue à l’orateur en puissance”, in Reliance, n°15, 2005, p.101 à 107 (https://www.cairn.info/revue-reliance-2005-1-page-101.htm#no5 )